Antoine Morlong, jeune cycliste de 23 ans

Après une intervention très remarquée et appréciée lors de la Journée mondiale de l’hémophilie (JMH) à Limoges, Antoine Morlong, jeune cycliste de 23 ans, hémophile A sévère et hyperactif, a accepté de répondre à nos questions malgré un emploi du temps très chargé !

Bérengère : Bonjour Antoine, tout d’abord, merci de me consacrer un peu de votre temps. Le 12 avril dernier, vous interveniez lors de la JMH qui s’est tenue à Limoges et abordiez votre parcours en tant qu’hémophile, passionné de cyclisme devenu compétiteur. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Antoine Morlong : Je m’appelle Antoine Morlong, je suis hémophile A sévère et je pratique le cyclisme en semi-professionnel (catégorie Elite, plus haut niveau en amateur) depuis mes 18 ans.

Du plus loin que je m’en souvienne, j’ai toujours baigné dans le vélo. Mon papa, cycliste et passionné, m’a initié à ce sport : on regardait ensemble les compétitions à la télévision, on pédalait ensemble.

A l’école, j’étais celui qui ne pouvait pas participer aux activités sportives, qui ramassait les filets ou rangeait les ballons. Les professeurs ne voulaient pas prendre de risques avec moi, ils ont choisis la facilité.

A 16 ans, j’ai voulu me lancer dans le cyclisme en compétition mais à cette époque les médecins étaient quelque peu réfractaires à cette idée. J’ai dû faire des pieds et des mains pour obtenir l’attestation qui me permettrait d’obtenir ma licence. Ce n’est qu’à mes 18 ans, à force de persévérance et de discussion avec mon hématologue, que j’ai enfin reçu l’autorisation de pratiquer le sport que je voulais. Pour cela, il a fallu que je promette à mon médecin que si mon état de santé s’aggravait, j’arrêterais.

Finalement, nous nous sommes rendu compte que cette pratique sportive était bénéfique pour mes articulations : cela les fortifiait et me permettait de me remettre plus rapidement de mes hémarthroses.

Quelques années plus tard et quelques milliers de kilomètres au compteur après, j’emportais le titre de Champion de France corporatif (le 6 octobre 2013 précisément) !

B. B. : A quoi ressemble une semaine type pour vous ?

A. M. : Je roule entre 10 et 15 heures par semaine pour m’entraîner et je participe à des courses le week-end un peu partout en France.

A côté de ça, j’ai monté récemment une société autour de la vente de vélos à assistance électrique en boutique et sur Internet.

Avec ce nouvel emploi du temps, je ne peux maintenant rouler qu’entre midi et 14h. Mes semaines sont donc très bien remplies !

B. B. : Comment avez-vous réussi à concilier compétition et hémophilie ?

A. M. : Avant tout, je pense que pour concilier ces 2 aspects il faut être à l’écoute de soi et bien prendre conscience de sa maladie.

Si je ressens des faiblesses dans mes articulations, ou si une douleur arrive, je ne prends pas de risque et j’annule ma course. S’il pleut, je vais être plus vigilant, avoir la main sur le frein ; dans les pelotons, je vais essayer de me placer à l’avant et lors de sprints massifs (plus de 60 coureurs), je laisse la main.

Je suis sous prophylaxie 3 fois par semaine. Je fais toujours en sorte qu’une de mes injections tombent avant une course. Ainsi, je ne change pas mon mode thérapeutique.

Je pense que le plus important est de pratiquer son sport intelligemment et que même une passion ne mérite pas que l’on prenne des risques inutilement.

B. B. : Avez-vous des conseils à donner à nos lecteurs qui souhaiteraient pratiquer le cyclisme en compétition ?

A. M. : Je leur conseillerais d’essayer de vivre à fond ce qu’ils peuvent vivre sans se mettre en danger.

La question n’est pas d’accepter ou de refuser sa maladie mais de vivre avec sans se mettre en situation de danger.

Je pense qu’il est très important d’être cohérent avec sa maladie, avec ce que l’on peut faire ou pas et mais aussi avec ses propres envies. Quand j’avais 10 ou 12 ans, mes parents m’ont inscrits au tir à l’arc, je ne me retrouvais pas dans ce sport, ce n’était pas le défouloir que je recherchais. J’ai donc abandonné pour me consacrer à ce que je voulais vraiment faire.

Bien entendu, il est plus que nécessaire d’avoir une discussion franche et sincère avec son médecin avant de se lancer dans n’importe quel sport de compétition.